Benjamin Bruneau: Le Voyage Immobile

11 Mai - 17 Juin 2017

C'est au cœur de Lyon, que la galerie Henri Chartier rouvre ses portes dans son nouveau lieu le 11 mai prochain, avec la toute première exposition personnelle de Benjamin Bruneau sur ses murs.Formé à l'atelier de Jean-Michel Alberola, B. Bruneau est diplômé de l'école des Beaux-Arts de Paris en 2004 et déploie d'emblée une œuvre multi strate, « un zapping de signes fragmentés » pour reprendre ses propos, qu'il ouvre aujourd'hui à une dimension plus allégorique. L'exposition, visible jusqu'au 17 juin, regroupera plus d'une douzaine de toiles de moyens et grands formats, à l'empreinte parfois surréalisante ou symboliste, trouvant leur contrepoint dans des scènes flirtant avec l'hyperréalisme. La peinture figurative semble être pour Bruneau un moyen d'accroche au réel, et souvent à un quotidien qui se dérègle. Certaines critiques, comme Anne Malherbe, parlent de son travail comme d'une peinture baroque, sans doute au départ pour la surcharge et l'exubérance de ses premiers travaux. Baroque encore certainement, mais alors plus dans l'esprit : son goût pour la mascarade, la provocation et la recherche d'une dissonance. Dans les œuvres présentées lors de l'exposition, Beethoven affalé, s'endort!

 

Un mythe s'écroule quand d'autres se créent, à l'image, dans une autre toile, de cet homme endormi aux allures de sirène. Il répond à une Vénus à la pomme d'un nouveau genre, toujours « canon », accompagnée de son Mac... Amour sacré? Amour profane?... Plus loin encore, une arcadienne éclatante à l'état de nature, quoiqu'un peu grunge, nous plonge dans les songes d'un paradis perdu - Promo exclusive! Direction terre promise! - Mais où sont passés les nymphes et les satyres? Probablement sur les chemins de l'errance où vous pourrez approcher aussi un bestiaire étrange, lors d'une halte ou deux. Un peu Comics, si tenté qu'on ne croise pas leur regard...

 

 C'est donc toute une ambiance que l'artiste agite, sortie tout droit d'un inconscient collectif où les contes, les légendes et les mythes ne cessent d'être réactivés, au sein d'une société contemporaine qui semble pourtant les avoir absorbés. Le philosophe et sociologue Roland Barthes à ce sujet, nous a déjà rassuré: ils survivent mais masqués; à peine déguisés. Encore faut-il avoir l'œil! D'autres toiles d'ailleurs, à ce titre, s'extraient des paysages fantastiques au profit d'un environnement plus familier, mais qui garde en énigme. Le fantôme devant sa machine à laver joue de l'élégance du drapé; comme un poncif revisité (clin d'œil à Le Bernin nous dit l'artiste), l'homme derrière l'étoffe se fait pleureuse, madone contrainte à « laver plus blanc que blanc » pour reprendre un vieux slogan1. C'est de bon goût! A l'image aussi de ces natures mortes, de plus petits formats, revisitées. Bruneau partout, se plaît à décloisonner. Les techniques employées sont au service de cette relecture: l'huile dans les recouvrements qu'elle crée, voile et camoufle, dissout le corps physique autant que le corps social, tandis que le transfert d'image donne à certaines œuvres cette impression banale de papier froissé, usé par les années. Une façon sûrement pour l'artiste de brasser les symptômes d'une culture marquée par la problématique du « high et du low » et de nourrir ainsi en substance, un précieux débat de l'histoire de l'art.

 

1 Cf. Roland Barthes et son étude sur les détergents dans l'ouvrage Mythologies, Paris, éditions du Seuil, 1957.

 

Laëtitia Blanchon, conférencière en histoire de l'art